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Mettre le paquet pour étouffer l’incendie

Semaine après semaine gouvernements et banques centrales décident de soutiens supplémentaires à l’activité.

L’incendie qui menace emplois et entreprises doit absolument être étouffé pour qu’en sortie de confinement la reprise de la demande permette de sauvegarder le plus de postes possible.

Au regard de l’expérience chinoise qui a quelques longueurs d’avance sur la notre, la méthode semble efficace.

Mais les publications chinoises sont-elles fiables ?

Et dans cet environnement bouleversé nos propres enquêtes et publications le sont-elles ?

C’est la question que je me suis posé cette semaine à la lecture des indices composites IHS Markit. Ce sont en temps normal les meilleurs indicateurs anticipés, IHS Markit les a amélioré en permanence et progressivement au cours des 20 dernières années et les économistes en ont fait leur première référence.

Alors ? Ceux du mois d’avril ont été construits avec la même rigueur que ceux des mois précédents.

L’explication est peut-être à trouver du côté des répondants. Ceux-ci constate l’effondrement de leurs carnets de commandes, doutent de l’aide que leur entreprise pourra recevoir ou mesurent mal son volume, en l’état actuel des données qu’ils maîtrisent, l’avenir de leurs entreprises paraît sombre.

L’indice PMI flash composite IHS Markit pour l’Eurozone s’est effondré à 13,5 en avril, se repliant à nouveau après le creux historique de mars à 29,7. C’est la plus forte contraction de l’activité enregistrée en plus de 20 ans d’enquêtes. En comparaison, l’indice s’était replié à 36,2 en février 2009, au plus fort de la crise financière mondiale.

C’est le secteur des services qui a été le plus sévèrement touché par les mesures de confinement, l’indice d’activité des services se replie de 26,14 en mars à 11,7 en avril. Les entreprises liées à l’hospitalité, l’hébergement, le restauration, les voyages et le tourisme ont accusé une baisse particulièrement prononcée de leur activité, la vaste majorité d’entre elles ayant été contraintes de fermer leurs établissements.

Dans le secteur manufacturier également les entreprises ont signalé une baisse sans précédent de leurs activités, l’indice PMI chutant de 38,5 en mars à 18,4. De nombreuses usines non essentielles ont du fermer et les autres ont vu leur niveau de production chuter sous l’effet d’un effondrement de la demande ou des pénuries d’intrants et de personnel.

L’Allemagne, plus manufacturière que la France, s’effondre un peu moins, ce qui semble indiquer, comme en 2008/2011, qu’elle sera mieux positionnée au redémarrage que le sud de l’Europe.

Le volume des nouvelles affaires dans le secteur manufacturier comme dans celui des services a enregistré sa plus forte baisse historique et cette tendance s’est répercutée sur le travail en cours. Les affaires en attente accusent une baisse record, avec chez les prestataires de services un repli sans précédent du travail en attente et des arriérés de production chez les fabricants.

Le niveau de pessimisme record enregistré dans le secteur manufacturier a fait chuter les perspectives d’activité.

L’emploi a diminué pour le 1ème mois consécutif enregistrant une baisse sans précédent en avril, repli historique dans les services et au plus haut depuis 2009 dans le manufacturier.

Les données de l’enquête signalent la plus forte réduction des prix facturés depuis juin 2009 afin de stimuler la demande et d’endiguer la chute des revenus. Cette baisse des prix facturés a été facilitée par la plus forte baisse du prix moyen de leurs achats depuis juillet 2009.

L’indice mensuel de confiance des consommateurs de la Commission Européenne a également enregistré une chute record à -22,7 vs -11,6 en mars, cohérente avec un recul de la consommation de 1,5%, celui-ci pourrait être de 12% sur l’année alors qu’elle avait juste dépassé 1% en 2009.

Les indicateurs nationaux allemands, de consommation, l’indice GfK de la confiance des consommateurs pour mai s’est effondré de +2,3 en avril à -23,4 avec un bond des intentions d’épargne, et d’activité, l’indice de climat des affaires de l’IFO chute à 74,3 vs 85,9 en mars, valident l’enquête PMI IHS Markit.

Tout ceci confirme bien la nécessité d’actions massives des gouvernements sur le plan budgétaire et fiscal et des banques centrales.

L’Eurogroup a tenu une nouvelle réunion la semaine dernière, non concluante puisque la rédaction d’un accord a été transmise par l’Eurogroup à la Commission Européenne, mais suffisamment cependant pour que Mr Conte, le premier ministre italien, manifeste cette fois-ci sa satisfaction à son issue. C’est ce type de déclaration qui permet d’étouffer l’incendie qui menace par la dispersion des taux des pays de l’Eurozone en réaffirmant la solidarité entre eux. Cerise sur le gâteau la note de la dette italienne n’a pas été dégradée comme certains le craignait dans la nuit de vendredi.

Si l’accord de l’Eurogroup n’est pas encore finalisé, la BCE a encore agi cette semaine, et, pour rappel, voici la liste de ses décisions depuis début mars :

  • 12 mars : 120 MM € d’achats supplémentaires d’ici fin 2020 dans le cadre de l’assouplissement quantitatif, achats élargis aux bons de trésorerie.
  • 12 mars : assouplissement des LTRO, leur taux est ramené à celui du taux de dépôt.
  • 12 mars : TLTRO, baisse de leur taux à -0,25% par rapport au taux de refinancement, et élargissement des collatéraux de 30 à 50% du prêt pour s’assurer que le robinet du crédit n’est pas fermé. Ciblage des crédits aux PME.
  • 12 mars : baisse des ratios réglementaires du Pilier 2 et élargissement des capitaux entrants dans la définition du CET 1 (Core Tier One). Ajustement des coussins contra-cycliques.
  • 18 mars : PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) de 750 MM € avec flexibilité (calendrier, circonscription, actifs) et plus de limite de détention de dette souveraine d’un pays (vs 33%).
  • 7 avril : assouplissement des critères qui rendent les collatéraux éligibles.
  • 22 avril : nouvel assouplissement des critères qui rendent les collatéraux éligibles. Les émissions des entreprises dont la notation a été dégradée depuis le début de la crise restent éligibles, ce qui a fait dire que la BCE, comme la Fed, peut acheter des junk bons.

Par ailleurs, le Conseil des Gouverneurs de la BCE a déclaré lors de l’annonce du PEPP qu’il « est prêt à augmenter la taille de ses achats d’actifs, à ajuster leur composition autant qu’il sera nécessaire et pour aussi longtemps qu’il faudra ». Et sa présidente Mrs Lagarde a dit « qu’il n’y aura pas de limite à la défense de l’€ ».

Aux États-Unis aussi, où l’IHS Markit flash US Composite PMI suit le même chemin que les PMI européens (27,4 en avril vs 40,9, plus bas historique), c’est la Fed qui est le plombier de dernier ressort (Bruno Cavalier Oddo).

En quelques semaines, le bilan de la Fed a augmenté de 2,4MMM $, soit plus de 10% du PIB américain. C’est une expansion sans précédent, destinée à satisfaire la demande de l’actif jugé le plus sûr et le plus liquide en période de stress, le $. La Fed n’a aucune limite pour créer des $. De l’expérience de 2008, on a appris que cela n’avait rien d’inflationniste en période de crise. A ce jour, la hausse du bilan vient, aux ¾, d’achats de titres de marché. Les divers programmes de prêts aux agents financiers et à l’économie réelle sont en phase de démarrage et sont amenés à s’accroître dans les prochaines semaines.

Car les chiffres économiques restent cauchemardesques.

Les inscriptions hebdomadaires au chômage ont été de 4,4 millions pour la semaine au 18 avril, moins que les 5,2 millions de la semaine précédente mais elles totalisent 26 millions entre le 15 mars et le 18 avril, plus que les 23 millions d’emplois créés ces dix dernières années. Ceci devrait conduire à un taux de chômage autour de 20%, le double de celui atteint au pic de la crise de 2008/2010.

Les autres publications ont été à l’avenant.

Les ventes de maisons existantes en mars ont reculé de 8,5% à 5,25 millions (rythme annuel) vs 5,76 en février.

Les ventes de maisons neuves ont chuté de 15,3% à 627K vs 741K.

Les commandes de biens durables sont à -14,4% contre un consensus à -12,0%.

Et le sentiment des consommateurs mesuré par l’Université du Michigan a reculé de 17,3 pts en avril à 71,8 vs 89,1 en mars, son plus fort recul historique. Les conditions actuelles passent à 74,3 vs 103,7 en mars et les perspectives à 70,1 vs 79,7.

La Chine a publié le détail de son PIB du T1 (-6,8%). Sans surprise, l’hôtellerie, le commerce de détail et les transports sont les secteurs les plus touchés, mais aussi la construction. Par contre la technologie, les télécoms et le secteur financier ont fait preuve de résilience.

Lundi 20 mars, comme attendu, les banques commerciales ont suivi le mouvement précédent de la Banque Populaire de Chine (PBoC) en baissant de 0,2% leur taux Prime Rate de 4,05% à 3,85%.

Et vendredi 24 à nouveau la PBoC qui a baissé un autre de ses taux directeurs, celui à un an (Targeted Medium-term Lending Facility TMLF) de 20bp à 2,95% vs 3,15%.

Partout les banques centrales sont donc à la manœuvre.

Aujourd’hui, rares sont les stratégistes qui restent négatifs sur les marchés. Comme presque tout le temps Albert Edwards et la Société Générale. D’autres trouvent que les marchés vont trop vite, Jonathan Stubbs pour Berenberg qui conclue sur une position neutre comme Christopher Potts (Kepler) qui avait bien vu la correction arriver et qui est repassé à neutre. A part Exane dont on ne comprend pas très bien la position et CM-CIC, neutre après le rallie, beaucoup de maisons sont positives, UBS et BoA (Target de Sebastian Raedler +20% d’ici fin août) et GS et MS.

Pour Erasmus Gestion, nous sommes maintenant dans un trading range, sur le S&P 2600-2900, EuroStoxx50 2700-3000 et CAC40 4300-4600.

Dans cette semaine de correction nos fonds ont bien résisté, Erasmus Mid et Small Cap Euro étant mêmes positifs alors que leurs indices reculent et FCP Mon PEA enregistrant une avance substantielle.

C’est Hugo qui, réalise pour Erasmus Small Cap Euro le plus d’opérations cette semaine avec 5 achats : deux cycliques industrielles, l’italien Biesse Spa qui conçoit et fabrique des machines et systèmes pour la fabrication de meubles, de portes et de fenêtres, ainsi que des articles en bois, en verre et en pierre, et le câbleur français Nexans, deux autres italiens, Antares Vision Spa qui fournit des systèmes de contrôle de vision et des solutions de traçabilité, EI.En Spa qui produit des systèmes laser pour la dermatologie, la chirurgie, la cosmétique, la physiothérapie, la dentisterie et la gynécologie et le français SES-Imagotag, leader mondial des systèmes d’étiquetage électronique de gondole destinés à la grande distribution.

Aymeric pour Erasmus Mid Cap Euro a cédé le finlandais Wartsila Oyj qui produit des équipements maritimes de manœuvre et de propulsion et qui risque d’être affecté par la chute d’activité des croisiéristes.

Pour FCP Mon PEA, double arbitrage avec les ventes d’Airbus (nous n’avons plus d’aéronautique) et de Kering tout en renforçant Hermès et LVMH, et les achats de Peugeot, préparation d’un possible rebond cyclique dans quelques mois et de Solutions 30, leader européen dans l’installation de solutions pour les nouvelles technologies, informatique, internet, télécommunications, compteurs, digitalisation.

Les révisions à la baisse des prévisions bénéficiaires des consensus JCF/FactSet sur le Stoxx600 et le S&P500 continuent. En Europe, recul annuel attendu de -19,1% pour 2020 suivi d’un rebond de +25,3% en 2021. Aux États-Unis, recul de -17,2% en 2020 suivi de +20,7% en 2021.

Bonne semaine à tous.

Jean-François GILLES

Président du Directoire d’Erasmus Gestion

Lire le point bourse de la semaine dernière : https://www.tanguyfinances.fr/macro-americaine-decevante-chiffres-micro-plus-resistants/

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