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VERS LA PHASE DE TRANSITION

Le pic de la pandémie semble passé et, pays par pays, les gouvernements annoncent les schémas de levée graduelle des restrictions.

A tord ou à raison, la sortie du confinement qui s’annonce alimente le regain de confiance des investisseurs.

Dans quelles proportions consommation et investissement repartiront-ils ? A quel rythme ? Alors que les restrictions ne seront levées que progressivement et que les bilans du secteur privé, notamment des banques, se sont détériorés.

Pour le reste, la dégradation économique semble maintenant mieux mesurée, l’incertitude se reporte sur le rebond espéré et il se confirme que les analystes financiers, dans le doute, ont fait preuve d’un excès de prudence dans leurs prévisions des chiffres des entreprises du 1er trimestre.

Le rythme auquel les ménages reviendront à leur consommation antérieure déterminera l’ampleur et la vitesse de la reprise après déconfinement. Les dépenses des ménages représentent 70% du PIB en Grande-Bretagne, 69% aux États-Unis et 60% en Eurozone. Suivant la confiance des ménages leur épargne varie. Si celle-ci reste à un niveau élevé après que les restrictions aient été levées, ceci pénalisera la reprise.

En règle générale le taux d’épargne s’élève durant les récessions, les ménages préfèrent détenir plus d’épargne de précaution. Mais cette récession est différente et une bonne part de l’épargne y est involontaire, obligée, tout indique que l’épargne est beaucoup plus élevée que lors des récessions précédentes. Ainsi le taux d’épargne américain est monté en mars à 13% au plus haut depuis 39 ans et les livrets de Caisse d’Épargne français ont reçu des versements records.

Peut-être que cela va conduire les ménages à détenir plus de trésorerie qu’ils ne le jugeront nécessaire, l’épargne involontaire s’ajoutant à l’épargne de précaution.

Cette trésorerie excédentaire en quelque sorte sera-t-elle dépensée pour ramener au niveau jugé souhaitable les liquidités involontaires ?

Dans ce cas cela accélérerait la reprise économique.

Mais le fait que cela se produise ou non dépend de l’évolution de la confiance des ménages.

Cette semaine, l’INSEE a publié celle des ménages français pour avril qui a résisté davantage qu’attendu à 95 vs 103 et 83 attendu. Aux États-Unis l’indice du Conference Board est intéressant : certes il recule fortement à 86,9 vs 120 en mars et des attentes à 88,0 mais les perspectives progressent de 7,0 pts et ne sont qu’à peine en-dessous de leur niveau d’octobre dernier. L’analyse pourrait être que les répondants pensent que la situation est tellement mauvaise que l’activité et le marché du travail seront mieux, bien que pas nécessairement bons, dans six mois.

Mais aussi, après le déconfinement les ménages peuvent rester anxieux même si beaucoup de restrictions sont progressivement levées, et préférer conserver cette épargne plutôt que la dépenser. Ils peuvent aussi craindre que le virus connaisse une seconde vague de diffusion.

Si trop de ménages décident de conserver leur épargne dans la crainte de jours plus difficiles, à coup sûr ceux-ci arriveront. C’est le paradoxe de cette équation : trop d’épargne de précaution peut ralentir davantage l’économie, l’emploi et les revenus. La reprise dépend d’une hausse de la demande.

C’est là que les politiques interviennent.

Si l’épargne reste élevée après le déconfinement, davantage de déficit budgétaire sera requis pour assurer le redémarrage économique. Pour ne pas creuser à l’excès les déficits, les gouvernements doivent inspirer suffisamment confiance pour relancer la consommation en utilisant avec une force décroissante l’outil budgétaire et fiscal. 

L’ampleur de l’épargne, partie de précaution, partie involontaire, peut être mesurée à partir de la publication de l’INSEE sur la consommation des ménages en France en  mars à -17,9% m/m alors que le consensus attendait -5,8%, et -18,1% sur un an, l’inflation tombant à -0,4%. Dans le détail, alimentation hors tabac +9,8%, biens d’équipement des ménages -43,1%, habillement -54%, énergie -11,4% (essence). Evidemment le second trimestre sera pire.

Une autre façon d’étudier le phénomène est d’analyser le Bank Lending Survey de la BCE (collecte des informations du 19 mars au 3 avril). La demande de crédits s’effondre en Espagne et en Italie, elle est en progression modeste en Allemagne et en France.

Par contre les masses monétaires croissent rapidement : M1 (liquidités) de 10,3% y/y vs 8,1% en février et M3 de 7,5% vs 5,5% . La progression de M1 tient pour moitié à la progression des dépôts des ménages et pour moitié à celle des dépôts des entreprises non financières.

Ceci est à la fois le reflet de l’épargne involontaire pour les uns et pour les autres mais aussi de l’arrivée du support monétaire de la BCE, via les banques, pour les entreprises. Cette tendance devrait continuer au T2. Si elle n’était pas causée, en partie au moins, par l’épargne involontaire (voir ci-dessus) la croissance forte de M1 devrait nous réjouir. En effet elle prédit avec une grande fiabilité et 2 ou 3 trimestres à l’avance les rebonds de l’activité en Eurozone (2003,2009 et 2015).

Pour le reste, et sans surprise, le PIB de l’Eurozone au T1 a enregistré un recul de 3,8%, conforme au consensus et de 3,1% y/y. Le taux de chômage monte un peu, 7,4% vs 7,3%, mais moins que les attentes (7,8%). 

Le PIB des États-Unis a lui reculé de -4,8%, sous le consensus de -4,0%, mettant fin à la phase d’expansion commencée au T3 2009. Mais ces chiffres captent uniquement les embruns avant le tsunami du T2. La consommation recule de 7,6%, la plus forte chute enregistrée depuis le début de la série en 1959, avant que les chiffres d’avril révèlent un déclin encore plus marqué.

Les inscriptions hebdomadaires au chômage se sont élevées à 3,839k, 6 fois plus que la pire semaine lors du crash de 2008.

Les ventes de maisons existantes ont chuté de 20,8% en mars avec un recul plus fort attendu en avril avant un rebond espéré pour mai et juin.

Enfin l’indice PMI de la Fed de Chicago est sorti à 35,4 vs 47,8, au plus bas depuis 2009, il a entraîné l’ISM (Institute for Supply Management/ Haver Analytics) en repli de 7,6 pts à 41,5 en avril, repli le plus fort depuis octobre 2008, sur les 18 secteurs suivis par l’ISM, seuls 2 sont en progression d’activité.

Au cours de la conférence de presse qui fait suite à la réunion du FOMC (Federal Open Market Committee) son chairman Jerome Powell a  indiqué que « le covid-19 crée des risques considérables à l’économie à moyen terme » et il a précisé cette année et la suivante. Aussi « la Fed maintient ses taux à 0/0,25% jusqu’à ce que l’économie ait digéré les récents événements, assuré le retour au plein emploi et la stabilité des prix ». Dans le même temps Jerome Powell a insisté pour que le Congrès fasse davantage, arguant que ce n’était pas le moment de se préoccuper de la dette publique. Ceci va dans le sens des rumeurs d’une nouvelle mesure fiscale d’1MMM $ qui pourrait être votée d’ici fin mai. 

Idem en Europe où le Conseil des gouverneurs de la BCE s’est concentré sur l’amélioration des conditions de financement des entreprises. Il a à nouveau amélioré son programme TLTRO, désormais les banques dans ce cadre emprunteront à -1%, 50bp sous le taux des dépôts pour l’année à venir, ce qui bénéficiera à leur marge d’intérêt et le nouveau PELTRO garantira entre deux TLTRO, ils sont trimestriels, la liquidité.

Mrs Lagarde a elle aussi appelé les gouvernements à agir davantage sur les plans budgétaires et fiscaux ; 

Les PMI chinois montrent que la reprise post COVID-19 sera semée d’embuches. Le PMI (d’état) manufacturier est sorti à 50,8 vs 52 en mars et 51 attendu, et celui des services à 53,2 vs 52,3 en mars et 52,5 attendu, amenant le composite à 53,4 vs 53,0. Dans les détails, les nouvelles commandes à l’exportation ont plongé à 33,5 vs 46,4 en mars suggérant une absence de demande extérieure alors que le monde entier était en confinement. Par contre la hausse modeste des services est d’autant plus appréciable que certains d’entre eux, cinéma, spectacles, sont toujours fermés et que les déplacements inter régionaux sont strictement limités. L’autre indicateur PMI, privé, le Caixin qui est plus orienté vers les entreprises petites et moyennes, retourne en contraction pour le manufacturier à 49,4 vs 50,1 en mars et 50,5 attendu. Le fort rebond du PMI construction (59,7 vs 55,1) montre l’accélération des dépenses d’infrastructures décidées par le gouvernement et financées rapidement par des émissions obligataires des collectivités.

Selon CEIC, WIND et Capital Economics, l’activité dans divers domaines peut être évaluée ainsi par rapport à la situation pré COVID-19 : ventes de terrains 92% (77% en mars et 61% en février, consommation de charbon 86% (80% et 64%), ventes d’appartements 83% (60% et 20%), lumières dans les zones d’activité 80% (62% et 50%), trafic du métro 57% (38% et 0%), voyages longues distances 42% (25% et 0%) et spectacles 0ù (0% et 0%).

Au milieu des publications européennes du T1, 53% sont au-dessus des attentes en termes de BPA et 58% en termes de CA, ce sont les meilleurs scores depuis plus de 3 ans. Si les commentaires des dirigeants ne peuvent être et ne sont pas optimistes, 26 entreprises font état d’une reprise vigoureuse en Chine.

Pour les trimestres à venir la dispersion des prévisions s’est élargie, ce qui d’ordinaire reflète leur moindre fiabilité, ceci sans surprise puisque 30% des entreprises composant le Stoxx600 ont retiré leurs guidances.

Le consensus JCF/FactSet sur le Stoxx600 attend des BPA en recul de -23,2% pour 2020 et un rebond de +29,9% en 2021. Aux États-Unis pour le S&P500, -20,7% pour 2020 et +24,7% pour 2021.

Sur la semaine S&P500 -0,3%, Nasdaq -0,3%, Stoxx600 +2,4%, EuroStoxx50 +4,2%, CAC40 +4,1%, DAX30 +5,1%, Nikkei225 +1,0% et Shanghai SE +0,8%.

Pour le Stoxx600, l’Automobile mène la hausse (+9,2%) suite aux meilleures publications de résultats de Daimler (+9,7%) et Valeo (+31,0%), suivi des Banques (+8,4%) et des Assurances (+6,0%). Plus mauvaise performance du secteur Santé (-1,8%) avec des prises de, bénéfices pour un secteur qui reste tout de même le meilleur depuis le début de l’année (-1,1%).

Nos fonds, dont la stratégie d’investissement est toujours défensive mais un peu moins, progressent mais pas autant que leurs indices de référence. Leurs avances depuis le début de l’année sont substantielles.

Pas de sorties ou d’entrées d’entreprises dans FCP Mon PEA mais pour tenir compte d’un momentum de marché plus favorable aux entreprises cycliques nous les avons davantage pondérées. Aymeric pour Erasmus Mid Cap Euro a cédé la SSII Akka Technologie et Hugo pour Erasmus Small Cap Euro a procédé à un achat, Wallix Group, spécialiste de l’édition de suites logicielles de sécurité informatique, traçabilité, contrôle et conformité, et à 4 ventes : Fountaine Pajot (nautisme), Lectra logiciels et machines de découpage textile, Olvi Oyj (boissons, Finlande) et Revenio Group (technologies de la santé, Finlande). 

Bonne semaine à tous.

Jean-François GILLES

Président du Directoire d’Erasmus Gestion

Lire le point bourse de la semaine dernière : https://www.tanguyfinances.fr/mettre-le-paquet-pour-etouffer-lincendie/

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