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Point Bourse Hebdomadaire du 11 mars 2019 : Les banques centrales à nouveau En soutien

La surprise de la semaine, ce sont les données du rapport sur l’emploi américain : même s’il faut prendre cette publication avec des pincettes compte tenu du long « shutdown », il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une pièce supplémentaire qui explique le changement stratégique des banques centrales.

La guerre commerciale initiée par le président américain a causé des dommages profonds à l’économie mondiale, y compris américaine. Nous commençons juste à en prendre la mesure. Mieux vaut tard que jamais mais les délais de réaction aux actions des banques centrales étant d’au moins 6 mois, ce retour des liquidités ne se répercutera sur l’activité qu’en fin d’année.

D’ici là, est-ce que les marchés financiers pourront maintenir leur élan soutenus par cet espoir lointain ?

Prenons donc les chiffres du rapport sur l’emploi américain de vendredi avec prudence. Comme le note Michelle Meyer (Merrill Lynch) :

  1. Si les créations de poste en février sont de 20 000, janvier était à 311 000 et décembre 2018 à 227 000. Une correction était nécessaire et elle nous laisse avec une moyenne 3 mois de 186 000 postes, le double de ce qui est nécessaire pour stabiliser le chômage
  2. La saisonnalité a aussi joué son rôle :-31 000 postes pour la construction, -6 000 pour la distribution, stabilité pour hôtellerie restauration et loisirs
  3. D’autres mesures sont nettement positives comme le taux de chômage qui recule à 3,8% ou les emplois domestiques +255 000
  4. Le salaire horaire progresse de 0,4% m/m et 3,4% sur un an. C’est le reflet d’un marché du travail de plus en plus tendu et des nécessaires hausses de salaire pour pouvoir embaucher.

La croissance mensuelle sous jacente de l’emploi n’est ni 20 000, ni 311 000 mais proche de la moyenne de ces deux nombres, ce qui est cohérent avec une croissance de 2%.

Ceci conforte la Federal Reserve dans la pause qu’elle a engagé : devant la confusion des publications, un peu de patience est nécessaire.

Et la sortie le 5 mars des deux principaux indicateurs anticipés américains, l’ISM et l’IHS Markit PMI, tous deux au-dessus du consensus, balance largement la lecture négative du rapport sur l’emploi.

L’ISM Services bondit de 3 pts à 59,7 en février, effaçant presque le recul de 3,7 pts de décembre et janvier. Avec l’ISM Manufacturing déjà publié à 54,2 cela amène l’ISM Composite à 59,1 vs 56,7.

L’US Composite PMI monte lui aussi, à 55,5 en février vs 54,4 en janvier, la progression de l’activité des services faisant plus que compenser le léger ralentissement manufacturier.

Ces deux indicateurs mentionnent une légère réduction de l’optimisme des répondants dans les deux secteurs.

La BCE a aussi surpris jeudi par une réaction plus forte qu’attendu à une situation économique qui se dégrade. Elle a annoncé pour septembre l’injection de liquidités à long terme (TLTRO) pour les banques et le maintien de tous ses taux à leurs niveaux actuels au moins jusqu’à la fin de 2019. Ses prévisions de croissance et d’inflation ont été fortement revues à la baisse : la croissance 2019 de 1,7% à 1,1% et 2020 de 1,7ù à 1,6%, l’inflation sous jacente 2019 de 1,4% à 1,2% et 2020 de 1,6% à 1,4%. L’inflation s’est donc bien éloignée de l’objectif de 2% de la BCE, elle s’en rapprocherait à peine et la situation de l’Eurozone s’apparente de plus en plus de celle du Japon.

Cependant l’indice PMI Composite Final IHS Markit de la zone € enregistre un léger renforcement à 51,9 vs 51 en janvier, il se redresse également par rapport à son estimation flash (51,4) et atteint un pic de 3 mois.

La tendance à l’amélioration est générale dans la région, les indices se redressent dans tous les pays à l’exception de l’Espagne (53,5). L’évolution varie cependant suivant les pays, l’activité augmente à un rythme marqué en Irlande (55,4) mais se contracte à nouveau en Italie (49,6). La France (50,4) enregistre quant à elle un très léger retour à la croissance tandis qu’en Allemagne l’expansion accélère et affiche un niveau élevé (52,8).

De même, les tendance divergent de manière significative à l’échelon sectoriel. Les tensions dans le commerce international, la faiblesse actuelle du secteur automobile et l’incertitude politique pèsent sur la demande de biens manufacturiers et le volume des nouvelles commandes reçues dans l’industrie a enregistré sa plus forte baisse depuis près de 6 ans en février, tendance entraînant à son tour in léger repli de la production (le 1er depuis près de 6 ans également). Dans le secteur des services en revanche, si la croissance est restée modérée, elle s’est toutefois renforcée par rapport au mois dernier.

Malgré l’atonie de la demande, les entreprises ont renforcé leurs effectifs en février. L’emploi progresse même à un rythme soutenu, sa croissance accélérant vs janvier. Les effectifs ont ainsi augmenté de manière continue depuis plus de 4 ans.

Le taux de création de postes reste élevé en AllemagneIrlande et Espagne, mais la France affiche une croissance de l’emploi relativement modeste et les effectifs n’augmentent que marginalement en Italie.

Enfin, si la confiance des entreprises s’est améliorée vs janvier et atteint un pic de 5 mois, son niveau reste parmi les plus faibles de ces 4 dernières années, l’incertitude politique et économique continuant de peser sur les perspectives de croissance.

Nous reprenons ci-dessous des extraits d’une étude de Bruno Cavalier (Oddo BHF) sur le commerce mondial :

« L’économie mondiale ralentit-elle graduellement comme le disent les comptes nationaux, ou est-elle sur le point de caler comme peut le suggérer une lecture superficielle des données du commerce mondial ? On en tient pour la 1ère thèse. Le commerce mondial est d’ordinaire bien en phase avec la croissance globale, mais dans les phases d’inflexion du cycle comme actuellement, il tend à sur réagir. De plus, l’année 2018 a été marquée par des mesures protectionnistes dont tout le monde, Donald Trump inclus, peut constater qu’elles ne font aucun gagnant. Un apaisement de la guerre tarifaire devrait donc s’imposer…

…Il est usuel, comme on l’a déjà noté, que le commerce mondial amplifie les inflexions du cycle. On peut alors très bien avoir pendant un temps un commerce qui se contracte et une économie mondiale qui reste en croissance. C’est le cas aujourd’hui…

Compte tenu des effets d’acquis, le rythme d’évolution du commerce mondial a toutes les chances de rester très faible à court terme, proche de 0 voire au-dessous. Plus avant, si les signes avant-coureurs de stabilisation du climat des affaires se confirment, notamment en Europe, les échanges devraient faire de même, avant de repartir à mesure que les effets des chocs passés se dilueront. Les risques baissiers que sont une intensification de la guerre tarifaire ou un Brexit sans transition sont deux domaines où les informations les plus récentes autorisent un certain optimisme. A en juger par son implication personnelle dans les négociations US/Chine, le président Trump semble avoir réalisé qu’il avait plus à perdre qu’à gagner à jouer l’escalade dans le protectionnisme. Quant aux gouvernants et aux parlementaires du Royaume-Uni, il est clair qu’ils sont une minorité à vouloir courir le risque d’un scénario de « no deal ». Cela ne fait pas une majorité pour voter un accord de transition mais c’est un pas dans la bonne direction, même s’il faut s’attendre à avoir quelques sueurs froides jusqu’à la date limite du 29 mars. »

Sur la semaine, les marchés clôturent en légère baisse. Les investisseurs sont inquiets sur les perspectives de croissance et les annonces de la BCE et le Stoxx600 recule de -0,89%, l’EuroStoxx50 de -0,7%, le CAC40 de -0,5%, le DAX de -1,2%, le S&P500 de -2,1%, le Nasdaq de -2,3%, Shanghaï SE de -0,8% et le Nikkei de -2,7%.

Les secteurs sensibles à la baisse des taux sont en hausse sur la semaine : Immobilier +2,1%, Télécommunications +2%, Agro-Alimentaire +1,6%, Utilities +1,5% et HPC +1,5%. Tous les autres secteurs sont en baisse avec l’Automobile à -4,7% et les Banques à -3,4%.

Les publications continuent à être très mitigées, ainsi sur les 139 entreprises de l’EuroStoxx qui ont publié, il y a sur les résultats 65 surprises positives et 61 négatives, un mauvais ratio. Les commentaires des entreprises et leurs guidances pour 2019 sont du même tonneau et le ratio de révision des bénéfices (ERR, Earnings Revision Ratio) calculé par Merrill Lynch est tombé à 0,51 (51 relèvements pour 100 abaissements) en Eurozone. Il faut remonter à 2012-2013 pour trouver un  ERR aussi bas et cela avait entraîné une forte injection de liquidités par la BCE (cf. ci-dessus).

Selon IBES, les attentes sont désormais pour l’EuroStoxx à +6% pour 2018 et +6,1% pour 2019, pour le S&P500 américain nous en sommes à +24,3% pour 2018 et 4,3% pour 2019.

Jean-François GILLES

Président du Directoire d’Erasmus Gestion

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