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Point Bourse hebdomadaire du 17 décembre 2018 : Anatomie

« Le ralentissement actuel diffère des précédents. L’Eurozone ne connaît aucun des excès économiques domestiques qui justifieraient d’un réajustement. Ce sont au contraire une série de chocs extérieurs et de risques politiques qui ont amené la zone dans un engrenage récessif. Comme les incertitudes se multiplient, les entreprises et les ménages réagissent avec nervosité à des nouvelles qui, en temps ordinaire, auraient été digérées au fil de l’eau.

Notre analyse de ces événements entretient l’espoir : si les risques qui effraient les marchés et les entreprises ne se matérialisent pas au début 2019, les perspectives pourraient alors s’éclaircir considérablement. » (Holger Schmieding, Berenberg)

 Malheureusement la semaine écoulée a confirmé les craintes des semaines précédentes : les indicateurs avancés suggèrent que la demande va continuer à s’affaiblir au début 2019 et le point de retournement positif n’est pas encore en vue.

BCE

C’est ce qu’a partiellement enregistré la BCE cette semaine en révisant à la baisse ses prévisions de croissance pour 2018 (1,9% vs 2%) et 2019 (1,7% vs 1,8%), sa prévision d’inflation pour 2019 (1,6% vs 1,7%) et plus encore celles de l’inflation sous jacente pour 2018 (1% vs 1,1%), 2019 1,4% vs 1,5%) et 2020 (1,6% vs 1,8%). Si nous ne faisons pas strictement de prévisions, nous pensons que les chiffres définitifs pour 2018 et 2019 seront encore plus faibles et que la BCE, sous l’influence des allemands, est trop optimiste en particulier en matière d’inflation. Il faut rappeler qu’elle s’est constamment trompée depuis 2012 en voyant l’inflation remonter rapidement et qu’elle avait fait de même au moment de la crise, ne voyant pas la déflation. La BCE, pour ne pas déplaire aux allemands, ne tire pas la leçon de ses erreurs passées. La « core inflation » s’éloigne vers le bas de son objectif et dans le même temps sa politique monétaire devient moins accommodante.

Mario Draghi a fait preuve d’un optimisme surprenant quant aux perspectives compte tenu des dernières publications (voir ci-dessous). Il pense que les moteurs d’une reprise sont encore en place et que l’inflation va se rapprocher de l’objectif des 2% !

Eurozone

Les indicateurs de la semaine sont tous orientés vers le bas.

Manfred Hübner, director de Sentix, nous dit que l’indicateur  perspectives de sa maison est tombé à son niveau le plus faible depuis août 2012 (-18,8pts) et qu’il est en recul  continu depuis près d’un an et à un rythme rapide. Tous les problèmes surgissent simultanément : les litiges commerciaux, la crise italienne, les protestations en France et le Brexit.

L’enquête de conjoncture à fin novembre 2018 de la Banque de France indique que le mouvement actuel a affecté la production industrielle dans la plupart des secteurs. L’agro-alimentaire du fait des difficultés rencontrées par une partie des commerces, et l’automobile ont été particulièrement impactés. L’activité industrielle ne progresse plus et les effectifs n’augmentent plus.

L’activité des services décélère sous l’effet du mouvement actuel. Les transports, la restauration et la réparation automobile régressent alors que les services aux entreprises restent dynamiques. Les chefs d’entreprise prévoient une croissance un peu plus forte en décembre.

Le bâtiment ralentit, dans le gros œuvre comme dans le second œuvre, mais les carnets de commandes restent assez bien garnis. En décembre, la croissance resterait faible selon les professionnels interrogés.

L’institut ZEW (Zentrum für Europaïsche Wirtschaftsforschung) de Mannheim dans son enquête de décembre pour l’Allemagne reflète la même évolution : situation actuelle 58,2 vs 70,1 et perspectives -24,1 vs -24,7, ceci avec un ralentissement de l’inflation.

Dès lors c’est sans surprise que l’indice PMI Flash Composite IHS Markit de décembre  ralentit et affiche son plus bas niveau depuis 4 ans à 51,3 (52,7 en novembre). Ce ralentissement touche tant les services (51,4 vs 53,4) que l’industrie manufacturière (51,4 vs 51,8).

Le ralentissement économique sous jacent a été exacerbé par les mouvements protestataires en France et par l’atonie actuelle de la demande dans le secteur automobile.

La faiblesse de la croissance reflète une quasi-stagnation des nouvelles affaires, celles-ci enregistrant leur plus faible hausse depuis décembre 2014. Les nouvelles affaires à l’export ont reculé pour le 3ème mois consécutif enregistrant leur plus forte diminution depuis le début de la collecte des données pour cette variable il y a 4 ans.

Le ralentissement du flux des nouvelles affaires a encouragé les entreprises à se tourner vers leurs affaires en attente afin de maintenir leurs volumes d’activité aussi le travail en cours enregistre son 1er repli depuis près de 4 ans.

Le tassement de la demande a incité les répondants à davantage de prudence en matière d’embauche. Le taux de croissance de l’emploi se replie à un plus bas de 2 ans.

Le secteur manufacturier a de nouveau enregistré des performances particulièrement modestes. Bien que la hausse de la production se soit légèrement accélérée, le taux d’expansion affiche son 2ème plus bas niveau depuis 4 ans. Les indicateurs prospectifs suggèrent un possible maintien du ralentissement de la croissance de la production, les nouvelles commandes reculant pour le 3ème mois consécutif et à leur rythme le plus soutenu depuis 4 ans, tandis que la confiance des fabricants chute à son plus bas niveau depuis 6 ans.

Parallèlement, la croissance de l’activité a fortement ralenti dans les services et s’est repliée à son plus bas niveau depuis novembre 2014, son rythme demeurant toutefois légèrement supérieur à celui observé pour la production manufacturière ; Le taux d’expansion des nouvelles affaires et l’indice des perspectives d’activité reculent également à un creux de 4 ans.

Les dernières données de l’enquête mettent en évidence des inquiétudes croissantes concernant l’évolution du commerce international et de la croissance économique mondiale, la montée des incertitudes politiques, le Brexit et le durcissement des conditions financières, de nombreux répondants soulignent la faiblesse des ventes et des volumes de production dans le secteur automobile.

Cet environnement défavorable à la demande a été exacerbé par l’impact du mouvement des gilets jaunes sur les transports et le climat des affaires en France. Les manifestations ont en effet contribué à la 1ère contraction mensuelle de l’économie française depuis 2 ans et demi, l’activité reculant dans l’industrie et dans les services.

En Allemagne, la croissance affiche son plus faible taux depuis 4 ans. L’activité a progressé à un rythme légèrement plus marqué dans les services que dans le manufacturier malgré une légère accélération de la production, les fabricants réduisant leurs arriérés de production au cours du mois. Parallèlement, les nouvelles commandes ont reculé pour le 3ème mois consécutif, le taux de contraction atteignant un pic d’un peu plus de 4 ans.

États-Unis

Les États-Unis vont toujours bien mieux que l’Europe, cependant ils commencent à leur tour à être affectés par le ralentissement global.

Ainsi l’indice IHS Markit Flash US PMI ralentit à 53,6 (vs 54,7) bien au-dessus du rythme européen mais au niveau le plus faible depuis mai 2017. C’est un mouvement qui touche tant les services (53,4 vs 54,7) plus bas de 11 mois, que le manufacturier (53,9 vs 55,3) plus bas de 13 mois, avec un ralentissement des nouvelles affaires dans les 2 secteurs.

Le Bureau of Labor Statistics a publié son enquête JOLT (Job Openings and Labor Turnover) pour octobre. Les chiffres restent très bons avec plus de 7 millions d’offres d’emplois, presque 5,9 millions d’embauches, tout proche du record du mois d’août, 5,6 millions de départs, sans grand changement ni dans la répartition entre démissions et licenciements.

Enfin l’enquête NFIB (National Federation of Independant Business Owners) marque un léger recul (104,8 vs 107,4), recul attribuable aux perspectives économiques et aux perspectives de ventes. L’indice reste cependant très haut, dans la tendance qui a suivi les élections de 2016. Les entrepreneurs se plaignent toujours du manque de main d’œuvre qualifiée, c’est leur première préoccupation (25%, niveau record). Le consensus parmi les répondants est que le T4 sera solide mais en moindre progression que le T3.

Asie

 Bonne nouvelle du Japon où le Nikkei Flash Japan Manufacturing PMI progresse et atteint à 52,4 (vs 52,2 en novembre) son niveau le plus élevé depuis avril. Si les exportations reculent à leur niveau le plus faible depuis plus de 2 ans, les nouvelles commandes progressent à un rythme plus rapide. La confiance des entrepreneurs tombe pour le 7ème mois consécutif, elle est à son plus faible niveau depuis octobre 2016.

Den fin de semaine des chiffres chinois décevants, production industrielle +5,4% vs +5,9% estimé et ventes au détail +8,1% vs +8,8% estimé, ont confirmé le ralentissement progressif de la croissance de la 2ème économie mondiale constaté ces derniers trimestres ; cela plaide en faveur d’un effort de Pékin afin d’apaiser les tensions avec Washington.

 Marchés

Depuis le début de l’année les performances sont désormais les suivantes : indice MSCI Monde -5%, obligations souveraines -2%, obligations investment grade -4,3%, High Yield -2%. C’est la 1ère fois depuis 1994 que le cash surperforme les actions et les obligations et c’est la 1ère fois depuis 1969 que le cash ($) est positif alors que les actions et toutes les catégories obligataires sont négatives.

Depuis le 26 janvier la capitalisation mondiale a perdu 15,7 trillions $, c’est dans ce contexte que nous venons de connaître une semaine de capitulation avec des records de 39 milliards $ de rachats sur les actions et 8,4 milliards $ sur les obligations IG, 9,8 milliards $ sur les actions britanniques, 27,6 milliards $ sur les actions US. Des souscriptions positives seulement sur les obligations d’état (20 milliards$ sur les 10 dernières semaines), les fonds émergents (16,7 milliards$ sur les 2 derniers mois) et 2,3 milliards $ cette semaine sur les actions japonaises (source Bank of America Merrill Lynch).

Sur la semaine, les marchés clôturent en légère hausse en Europe sur les larges capitalisations, Stoxx600 +0,51% et CAC40 +0,8%, mais en recul sur les moyennes, petites et micro capitalisations.

Le secteur des Utilities (+3,6%) affiche la meilleure performance sectorielle à la suite de la conférence COP24 non concluante, suivi par les Matériaux de base (+2,2%) et la Technologie (+1,9%).

Au contraire le secteur de la Distribution (-2%) affiche la plus mauvaise suite chiffres de Metro (-12,1%) et Inditex (-8,1%).

Jean-François GILLES

Président du Directoire d’Erasmus Gestion

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