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Point Bourse Hebdomadaire du 15 avril 2019 : Taux et valorisation

La hausse des marchés actions apparaît à beaucoup inexplicable. En ce début d’année les prévisions tant macro que micro économiques sont revues à la baisse : la croissance sera en 2019 moins élevée que nous l’espérions il y a 6 mois et les résultats des entreprises deux fois moindres qu’attendu.

Certes la chute du T4 2018 était excessive et la vive reprise qui s’est enclenchée à la mi-décembre a vraisemblablement correspondu à la correction de cet excès. Mais depuis la hausse des marchés continue mois après mois : il y a donc un autre moteur.

Et si c’était la baisse des rendements obligataires : elle oblige certaines catégories d’investisseurs à aller chercher du rendement ailleurs et en Europe les spreads 10 ans sont très élevés : pour le Stoxx600 4,1% de yield et pour la moyenne pondérée des emprunts d’état 0,7%. Dès lors ces acheteurs, non décelables dans les mesures de souscriptions-rachats d’OPCVM et ETF, assurent un soutien constant aux marchés actions.

Et ce ne sont pas les rendez-vous de la semaine passée avec les banques centrales qui modifieront leur stratégie.

Le président Draghi a annoncé le 10 avril lors de la conférence de presse de la BCE qu’il présenterait les termes du programme LTRO III en juin et qu’il pourrait être plus généreux que les précédents.

Mario Draghi a repris l’analyse de la banque centrale selon laquelle la reprise était reportée et non remise en cause tout en reconnaissant que la faiblesse de la croissance durait plus longtemps qu’escompté et que désormais les risques sur les prévisions de la BCE étaient à la baisse. Ce ralentissement a amené les prévisions d’inflation à long terme à des niveaux très faibles et Mr Draghi a insisté à plusieurs reprises sur le fait que la banque ferait tout pour que l’inflation atteigne son objectif, voire même qu’elle le dépasse temporairement. La banque centrale fera tout pour pousser les banques à prêter en réduisant le coût de leurs ressources et peut-être le coût des taux d’intérêt négatifs.

Quelques investisseurs espèrent même maintenant que la BCE pourrait baisser ses taux directeurs qui deviendraient alors négatifs. Ce n’est pas notre avis car nous ne sommes pas convaincu de l’effet positif d’une telle mesure pour stimuler l’économie. Comme l’effet des précédents TLTRO semble également avoir été limité, l’outil le plus efficace des banques centrales reste encore l’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing). Si la situation se dégradait, ce pourrait être l’arme ultime l’an prochain.

Qu’est-ce que cela nous dit : les taux en zone euro ne sont pas prêts de remonter, d’où notre introduction (Cqfd).

Dans le même temps la Federal Reserve fait aussi face à la faiblesse temporaire de l’inflation.

Les minutes de la réunion de mars, publiées le 10 avril, n’ont pas révélé de surprise et confirment les propos de Jerome Powell lors de la conférence et ceux des autres membres depuis. L’institution note que la trajectoire d’inflation n’accélère pas malgré les pressions sur les coûts (salaires et tarifs douaniers) sur une période récente et que les anticipations d’inflation sont orientées à la baisse. Pour l’heure les dernières données d’inflation confirment que les prix resteront pénalisés sur le S1 par des effets temporaires 1) $ fort 2) productivité supérieure à la hausse des salaires 3) réforme fiscale. Les minutes montrent que la Fed partage cette analyse. Les effets d’un $ fort se font croissants sur le prix des biens importés et compensent la hausse des barrières douanières décidée tout au long de 2018. La Fed s’inquiète de plus en plus des anticipations d’inflation qui ne parviennent pas à remonter depuis 2015 malgré de fortes tensions sur le marchés de l’emploi. La relative faiblesse des anticipations d’inflation limite la capacité des entreprises à relever leurs prix.

Il faut donc espérer que le S2 permettra de constater une accélération de l’inflation américaine du fait de la dissipation de l’impact du $ et de la productivité, mais également de la hausse sensible des salaires.

Dans ce contexte, la Fed qui est « behind the curve » continuera sa pause tout au long de 2019 afin de constater l’atteinte du niveau cible de 2% avant de reprendre le chemin des hausses de taux. L’inflation américaine pourrait trouver un soutien supplémentaire avec la signature d’un accord commercial sino-américain d’ici l’été. Le 10 avril le secrétaire au Trésor américain Steven Mnuchin a annoncé que Washington et Pékin ont pratiquement validé les conditions du mécanisme de surveillance sur la mise en application d’un accord commercial.

De tout cela il résulte que pour 6 mois au moins la faiblesse de l’inflation restera un facteur qui pèsera sur les taux. Le mouvement de hausse des taux reste soumis au constat de l’accélération des prix et depuis plusieurs années tous les espoirs en la matière ont été déçus.

Sans que ce soit aussi spectaculaire qu’en Europe, le rendement sur le S&P500 américain de 3,2% est désormais 0,7% au-dessus du rendement des Treasuries, ce qui provoque mais dans une moindre proportion le même mouvement d’arbitrage actions/obligations chez certaine catégories d’investisseurs institutionnels.

La National Federation of Independent Business (NFIB) a publié son rapport pour mars. L’indice sur l’optimisme des petites entreprises est quasi stable à 101,8 (+0,1). Trois composantes reculent, deux sont inchangées et cinq s’améliorent. La donnée la plus faible est celle des inventaires jugés trop élevés et devant être réduits. Les indicateurs du marché du travail s’améliorent et les prévisions d’investissement restent solides, comme les perspectives de progression des ventes et des résultats. L’indice reste à un haut niveau, cohérent avec une croissance solide de nature à maintenir le plein emploi : pas de récession en vue !

Déception par contre pour le rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover Survey) qui enregistre un très fort recul des offres d’emplois qui étaient, il est vrai, à leur niveau record : 7 087 000 vs 7 550 000.

Le ralentissement de la croissance chinoise qui s’est opéré au S2 s’explique notamment par la guerre commerciale. Le PIB chinois du T1 sera connu le 17 avril mais l’étude des derniers indicateurs d’activité confirme que les mesures de soutien prises par le gouvernement commencent à porter leurs fruits, l’indice PMI Caixin Manufacturing étant repassé en zone d’expansion pour la 1ère fois depuis 3 mois (50,8 vs 49,9 en février). Les relances monétaires, fiscales (300 milliards $ de baisses d’impôts pour les entreprises et baisse de la TVA dès avril pour favoriser la consommation) et budgétaires (infrastructures) stimulent activement la demande domestique.

La résilience de l’économie chinoise rassure quant à la croissance mondiale et notamment européenne qui reste particulièrement exposée aux exportations vers l’Asie.

Sur la semaine, les marchés clôturent proches de l’équilibre : en Europe Stoxx600 -0,18%, EuroStoxx50 0%, CAC40 +0,5%, DAX -0,1%, aux Etats-Unis S&P500 et Nasdaq +0,5%, en Asie Nikkei 225 +0,3% et Shanghaî SE -1,8%.

Sur le Stoxx600, les secteurs gagnants de la semaine sont Banques (+2,5%) à la suite de la réunion de la BCE, Automobile (+2%) grâce au report du Brexit qui éloigne le retour des droits de douanes et Biens et Services Industriels (+0,5%, Chine). En recul Santé (-2,2%), Utilities (-1,7%) et Télécommunications (-1,7%).

Les flux sur les Mutual Funds et les ETF européens continuent d’être négatifs cette semaine (-2,2 milliards $). C’est la 55ème semaine de décollecte sur les 57 dernières et les retraits depuis le début 2019 sont de 44 milliards $, soit 0,2% des actifs des fonds long only.

Les consensus des prévisions bénéficiaires JCF FactSet sur le Stoxx600 européen et le S&P500 américains continuent d’être révisés à la baisse, plus en Europe qu’aux États-Unis, mais en Europe, c’est sur le CAC40 que les attentes sont les plus élevées à +13,2%, l’IBEX est à +10,5%, le MIB à +8,5% et le DAX à +5,4%. En Europe la croissance annuelle attendue est de +8% pour 2019 et de +8,7% pour 2020. Aux États-Unis +3,3% pour 2019 et +9,4% pour 2020.

Jean-François GILLES

Président du Directoire d’Erasmus Gestion

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