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Point Bourse Hebdomadaire du 10 juin 2019 : L’initiative aux banques centrales

La prolongation des incertitudes économiques a amené cette semaine la BCE à réduire ses prévisions de croissance pour l’Eurozone pour 2020 (-0,2%) et 2021 (-0,1%. Dans le même temps elle a prolongé de 6 mois, jusqu’à la mi 2020, sa guidance de maintien de ses taux directeurs à leur niveau actuel.

Aux États-Unis, le mouvement d’anticipation sur les taux est plus fort encore et s’est renforcé vendredi après la publication du rapport mensuel sur l’emploi de mai : les futures reflètent désormais 3 baisses des taux directeurs de 25bp d’ici la fin de l’année et 2 en 2020. Et certains escomptent même une baisse dès avant le sommet du G20 à la fin du mois à Osaka même si la majorité attend le 1er mouvement le 21 juillet.

Ce sont ces attentes des mouvements des banques centrales qui ont permis un fort rebond des marchés cette semaine, une baisse des taux longs et du $.

La réunion de la BCE, son communiqué et la conférence de presse de Mario Draghi étaient d’autant plus attendus que la publication des chiffres d’inflation en zone Euro le 4 juin avait été une grande surprise.

L’inflation » headline » était sortie à 1,2%, en recul de 0,5% comme l’inflation sous-jacente sortie elle à 0,8% : ces deux chiffres sont au plus bas depuis plus d’un an, ils démontrent que les efforts de la BCE en matière d’inflation n’ont pas porté leurs fruits.

Par contre la situation sur le front de l’emploi continue de s’améliorer avec un taux de chômage pour l’Eurozone de 7,6% en avril, son niveau le plus bas depuis septembre 2008.

La BCE a déçu deux des attentes des marchés même si ses prévisions enregistrent bien la dégradation des perspectives de croissance. Tout d’abord la prolongation de 6 mois jusqu’à mi 2020, de la période au cours de laquelle ses taux directeurs resteront stables est peu de choses par rapport à l’état des futures qui reflètent à 80% la probabilité d’une baisse des taux d’ici deux ans alors que les futures d’inflation sont au plus bas depuis 2016. Ensuite le TLTRO 3, tel qu’il a été présenté, est en dessous des attentes et moins généreux que le TLTRO 2, 10bp au-dessus en matière de taux et les montants que les banques pourront emprunter seront réduits des montants des prêts encore en force financés par le TLTRO 2, ce qui touchera particulièrement les banques espagnoles et italiennes. Et ce qui limitera la création de liquidité et la croissance de la masse monétaire, seule politique qui a aujourd’hui la confiance des marchés pour relancer l’activité.

L’indice PMI Composite IHS Markit de l’Eurozone se redresse de 51,5 en avril à 51,8 en mai. S’il continue à signaler un rythme d’expansion modéré, l’indice atteint un sommet de 3 mois.

Conformément à la tendance récemment observée, l’expansion a principalement reposé sur le secteur des services, où l’activité a progressé en mai à un rythme soutenu. La production manufacturière a, elle, reculé pour le 4ème mois consécutif.

Les données par pays indiquent la plus forte hausse de l’activité depuis 3 mois en Allemagne ainsi qu’une nouvelle croissance soutenue en Espagne.

La faible croissance de l’activité s’est accompagnée d’une nouvelle hausse du volume des nouvelles affaires, celui-ci progressant légèrement pour un 3ème mois consécutif.

La hausse de l’activité enregistrée au cours du mois a suffi à entraîner une réduction du travail en attente, le volume des affaires en cours diminuant pour le 3ème mois consécutif.

Autre facteur ayant favorisé une baisse du travail en attente, la croissance de l’emploi, s’est maintenue en mai. Les effectifs ont augmenté à un rythme soutenu même si le taux de création de postes fléchit par rapport à avril.

Si l’emploi a progressé dans tous les pays couverts par l’enquête le rythme des créations de postes est resté particulièrement soutenu en Allemagne. La croissance de l’emploi enregistrée outre-Rhin repose exclusivement sur le secteur des services, la baisse des effectifs se poursuivant dans l’industrie manufacturière.

Enfin, les perspectives d’activité des entreprises de l’Eurozone se sont affaiblies et ont affiché leur plus bas niveau depuis le début de l’année, le Brexit, les relations commerciales tendues entre la Chine et les États-Unis et l’incertitude politique européenne ayant pesé sur la confiance des répondants, les entreprises allemandes ayant, de loin, le plus faible degré d’optimisme.

L’indice composite pour la France s’est redressé de 50,1 en avril à 51,2 signalant une croissance modérée de l’activité mais néanmoins la plus forte depuis novembre.

L’expansion de l’activité reflète celle du secteur des services, celui-ci enregistrant la plus forte croissance de son activité depuis 6 mois. Dans l’industrie manufacturière en revanche la production a diminué pour le 3ème mois consécutif, la baisse observée n’étant cependant que marginale.

La hausse de l’activité a reposé sur une 2ème augmentation consécutive du volume des nouvelles affaires même si elle reste modeste. Faisant écho aux tendances observées pour l’activité, les nouvelles affaires ont légèrement augmenté dans les services, compensant un repli marginal des ventes manufacturières.

Prolongeant la tendance observée depuis maintenant plus de 2 ans et demi, les effectifs ont de nouveau augmenté à un rythme soutenu. Le taux de création de postes s’est renforcé et a atteint en mai un plus haut de 6 mois, notamment dans le secteur des services.

Enchaînons avec l’IHS Markit US Composite PMI, il enregistre à 50,9 en mai un fort recul vs avril (53,0) et se situe désormais (voir ci-dessus) largement en dessous du même indicateur pour l’Eurozone, le rythme de croissance de l’activité est le plus faible depuis mai 2016.

La croissance de l’activité ralentit dans les services pour le 4ème mois consécutif alors que le secteur manufacturier enregistre une contraction des nouvelles commandes, notamment à l’exportation.

L’optimisme des répondants est à son niveau le plus faible depuis juin 2016 à cause des craintes que suscitent les tensions commerciales et d’une demande moins robuste.

L’ISM US Manufacturing recule aussi, 52,1 en mai vs 52,8 en avril à son plus faible niveau depuis octobre 2016. Sa décélération est tout à fait parallèle à celle du PMI, ce qui renforce leur validité.

Le ralentissement manufacturier qui touche l’Asie, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, entraîné par les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, maintenant affecte aussi ce pays ; De ce fait les répondants surveillent et parfois réduisent leurs stocks ;

Ce ralentissement de plus en plus patent de l’économie américaine s’est traduit vendredi par la publication d’un décevant Rapport sur l’Emploi pour mai :

  1. 75 000 créations d’emplois en mai et des révisions négatives d’un même niveau, avril -39 000 et mars -36 000.
  2. La moyenne des créations de postes sur 3 mois est à 151 000, sur 6 mois à 175 000, bien loin du niveau de 223 000 de 2018. Les embauches diminuent clairement.
  3. Le salaire horaire progresse de 0,2% m/m et de 3,1% (vs 3,2%) sur un an, c’est son niveau le plus faible depuis septembre dernier.

La Fed se disait patiente mais cette expression a disparu des propos récents de Jerome Powell et de ses collègues. Même si l’économie américaine reste solide, elle fait face à des risques baissiers, surtout à cause des initiatives tarifaires extravagantes de l’administration Trump. Après la Chine et l’Union Européenne, le Mexique a rejoint la liste des pays à punir.

Selon Bruno Cavalier (Oddo BHF), l’économie US n’a pas aujourd’hui les caractéristiques d’une économie pré-récessive. Les conditions financières ne viennent pas de se resserrer brutalement. Il n’y a ni crise de liquidité, ni effondrement des indices boursiers, ni explosion des spreads de crédit. Le cas actuel est singulier à double titre. D’une part la guerre tarifaire est à l’origine d’incertitudes soudaines. D’autre part la Fed n’est pas satisfaite de l’efficacité de sa stratégie monétaire car elle constate qu’elle n’a pas ramené l’inflation vers sa cible. Ces deux problèmes – les soubresauts de la politique commerciale US et la faiblesse chronique de l’inflation- font pencher la balance vers une politique monétaire plus assouplie… Les derniers commentaires, notamment ceux de Jerome Powell, entrouvrent la porte à une baisse des taux mais sans témoigner d’une volonté de taper vite et fort.

Sur la semaine, les marchés clôturent en hausse aux États-Unis et en Europe : S&P500 +4,5%, Nasdaq +3,9%, Stoxx600 +2,3%, EuroStoxx50 +3%, CAC40 +3%, DAX +2,7% et si la Chine recule, Shanghaï SE -2,7% Tokyo rebondit Nikkei225 +1,4%. Le Bund finit à un plus bas de -0,257% et le 10 ans US recule à 2,09%, le $ suivant à 1,133 €/$ et -1,4%.

Hausse quasi générale des secteurs du Stoxx600 cette semaine sauf l’immobilier (-1,5%), le secteur Banques (+0,3%) finit en très légère hausse mais a chuté après la réunion de la BCE qui a annoncé un maintien de ses taux courts jusqu’à la fin du S1 2020 ; Les plus fortes hausses sont la Chimie -4,8%, les Utilities +4,8% et les Soins et Cosmétiques +3,4%.

Les consensus des prévisions bénéficiaires JCF/FactSet sur le Stoxx600 et le S&P500 continuent de se dégrader. En Europe la croissance annuelle attendue est de +6,0% pour 2019 et +9,2% pour 2020. Aux États-Unis, la croissance 2019 est attendue à +2,6% et à +8,7% pour 2020.

Jean-François GILLES

Président du Directoire d’Erasmus Gestion

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