IR : Le déficit foncier de source allemande est imputable sur les revenus français du contribuable (CAA Lyon 08/01/2019)

Une précision importante est apportée sur l’interprétation des conventions fiscales en matière d’imputation des déficits.

1. Ce qu’il faut retenir

Un résident fiscal Français peut imputer le déficit foncier de source allemande de ses revenus imposables en France dans les conditions de droit commun. 

Le déficit vient se compenser avec les revenus fonciers du contribuable et peut générer un déficit imputable sur le revenu global et/ ou sur les revenus fonciers des dix années suivantes. 

La convention fiscale franco-allemande qui prévoit la prise en compte des « bénéfices et autres revenus positifs » de source allemande dans la base imposable du contribuable résident Français ne fait pas obstacle à cette imputation. 

Cette solution nouvelle contredit la doctrine administrative (BOI-INT-CVB-DEU-10-70 §70) et la jurisprudence antérieure (CAA Versailles, 8 juillet 2015, n°13VE02067 en matière de BNC).

CAA Lyon, 8 janvier 2019, n°17LY02151

2. Conséquences pratiques – Avis Fidroit

La solution est transposable à l’ensemble des revenus de source étrangère pour lesquels la convention fiscale prévoit une imposition en France et l’imputation d’un crédit d’impôt. 

Les déficits de source étrangère permettent de réduire :

  • l’assiette de l’impôt sur le revenu et éventuellement des prélèvements sociaux (lorsqu’ils sont payés par voie de rôle, c’est-à-dire à réception de l’avis d’impôt) ;
  • l’assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ;
  • l’assiette de la cotisation subsidiaire maladie (au titre de la PUMa) ;
  • plus généralement, le revenu fiscal de référence du contribuable qui sert à déterminer l’éligibilité à plusieurs aides ou dispositifs de faveur (exonération de la taxe d’habitation, CSG à taux réduit, etc.).

Le contribuable qui se trouve dans cette situation et qui n’a pas imputé son déficit de source allemande peut faire une réclamation auprès de l’administration fiscale. Cette réclamation est possible pour les seules années non prescrites (2016 /2017 /2018).  
BOI-CTX-PREA-10-30 §20 et §120
 

Avis Fidroit 

Il en ressort qu’un investissement en déficit foncier est fiscalement mieux traité dans les pays ou des règles similaires existent : 

  • Le déficit de source étrangère est admis en déduction des revenus français. 
  • Le crédit d’impôt prévu est égal au montant de l’impôt Français (dans ce cas il sera retenu pour un montant nul).

En effet, l’imputation du déficit va permettre de réduire l’impôt calculé au taux marginal. 
Le résultat est plus favorable au contribuable qu’un investissement dans un pays ou la convention bilatérale prévoit  l’exonération des revenus (prise en compte du déficit foncier seulement dans le calcul du taux effectif). L’avantage est ici déterminé en appliquant un taux moyen d’imposition.

La solution retenue en matière de déficits est, à notre sens, applicable aux moins-values de source étrangère. 

3. Pour aller plus loin

3.1. Contexte

Les résidents fiscaux français sont, en principe, imposables sur l’ensemble de leurs revenus locatifs provenant d’immeubles situés en France ou à l’étranger.  La solution est différente selon qu’il existe ou non une convention fiscale internationale. 

En l’absence de convention internationale, les impôts payés à l’étranger constituent une charge déductible du revenu foncier. 

En présence d’une convention fiscale, le droit d’imposer les revenus immobiliers revient généralement à l’état du lieu de situation de l’immeuble. Des dispositions peuvent exister afin d’éviter la double imposition induite, trois solutions peuvent être rencontrées :

  • Soit les revenus locatifs ne sont pas imposés en France sous réserve de l’application du taux effectif  (Les revenus, taxés dans le pays de situations de l’immeuble, sont pris en compte pour déterminer en France le taux moyen d’imposition qui sera appliqué aux autres revenus du contribuable). 
  • Soit les revenus sont également imposés en France, mais avec l’application d’un crédit d’impôt
    • égal au montant de l’impôt Français (solution retenue par la convention Franco-Allemande).
    • ou égal au montant de l’impôt étranger (généralement plafonné au montant de l’impôt français).

3.2. Faits et procédure

M. et Mme C, résidents fiscal français, sont propriétaires d’immeubles loués situés en Allemagne qui ont généré un déficit foncier. Ils ont déclaré en France ce déficit qui, conformément aux règles françaises, a été déduit du revenu global à hauteur de 10.700€ et le solde a été reporté sur les revenus fonciers des années suivantes. 

A la suite d’un contrôle fiscal, l’administration a remis en cause l’imputation de ces déficits, estimant que la convention fiscale liant la France et l’Allemagne faisait obstacle à sa prise en compte.

Les époux C ont saisi le tribunal administratif de Grenoble qui a fait droit à leur demande. L’administration a fait appel de cette décision. 

3.3. Arrêt

La cour administrative d’appel  a confirmé l’arrêt du tribunal administratif constatant : 

  • qu’aucune disposition de la convention internationale n’exclut la prise en compte des déficits de source allemande dans les revenus imposables en France. Le crédit d’impôt, prévu dans cette convention, imputable sur l’impôt français n’empêche pas l’application des règles fiscales nationales.
  • La stipulation selon laquelle sont pris en compte les « bénéfices et autres revenus positifs » de source allemande dans la base d’imposition du contribuables français doit s’interpréter comme visant les « revenus fonciers nets » c’est-à-dire après la prise en compte du déficit, tel que cela est prévu par la loi fiscale française. 

3.4. Analyse

La question de la prise en compte du déficit foncier est différente selon que la convention prévoit l’exonération des revenus sous réserve du taux effectif ou le crédit d’impôt. 

3.4.1. Prise en compte du déficit en cas d’exonération des revenus de source étrangère (sous réserve du taux effectif)

Dès lors que la convention prévoit que  les revenus locatifs de sources étrangères ne sont pas imposés en France, il n’est pas possible de tenir compte du déficit foncier sur les revenus de source Française. Ce déficit sera néanmoins pris en compte dans le calcul du taux effectif (ayant pour effet de porter à la baisse). 

3.4.2. Prise en compte du déficit en cas d’imposition des revenus étrangers en France

La question se pose différemment si la convention prévoit un crédit d’impôt, l’ensemble des revenus ayant leur source hors de France sont alors pris en compte pour le calcul de l’impôt. 

La difficulté porte sur l’interprétation de la convention qui mentionne la prise en compte des « bénéfices et autres revenus positifs ». La solution antérieure reposait sur une interprétation stricte du texte (CAA Versailles, 8 juillet 2015, n°13VE02067). Dès lors les déficits étrangers ne pouvaient être pris en compte. Cette solution est d’ailleurs reprise au BOFIP.  
BOI-INT-CVB-DEU-10-70 §70 (exemple d’interprétation de l’administration fiscale en matière de dividendes et intérêts perçus par les OPCVM allemand). 

Cet arrêt donne une interprétation nouvelle et favorable au contribuable. 
La mention des « bénéfices et autres revenus positifs » doit s’interpréter comme concernant les revenus fonciers nets, c’est-à-dire déduction faite des déficits constatés dans cette catégorie de revenus. Les dispositions de la convention ne font pas faire obstacle à l’application de la loi fiscale Française.
 
Le crédit d’impôt étant égal au montant de l’impôt Français dû sur les revenus de sources étrangères, en présence d’un déficit foncier de source allemande, le crédit d’impôt devra être retenu pour zéro. 

Remarque : 

La solution a été dégagée par une Cour administrative d’appel. Il convient de rester vigilant à un éventuel recours devant le Conseil d’Etat, et à la position qui serait alors retenue par la haute juridiction.  
La réponse du Conseil d’Etat serait d’ailleurs bienvenue pour établir une position sure et définitive en la matière. 

3.4.3. Transposition de la décision

On peut également se poser la question du caractère transposable de la solution en présence d’un résident allemand détenant un revenu locatif de source française. 
Dans ce cas, la convention fiscale prévoit l’imposition des revenus en France et l’exonération en Allemagne, sous réserve du taux effectif.  La solution ne peut donc pas être transposée. 

De façon plus générale, si les mêmes règles venaient à s’appliquer pour des résidents fiscaux d’un autre pays, la solution ne pourrait être transposée que sur le plan purement théorique (à condition d’avoir des règles similaires en matière de revenus nets catégoriels et de déficit imputable / reportable). En effet, il sera en toute hypothèse nécessaire de vérifier l’interprétation de la convention retenue par l’ordre juridique interne de ce pays car les décisions françaises ne seront pas opposables. 

Source : Fidroit

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