Assurance-vie : acceptation tacite du bénéficiaire validée par la Cour de Cassation (Cass. civ. 1, 6/11/2019)

Dernière mise à jour le 04 février 2020

Précisions sur l’acceptation tacite du bénéficiaire.

1. Ce qu’il faut retenir

L’acceptation tacite du contrat peut être démontrée par la réalisation des démarches positives nécessaires au déblocage des capitaux par le bénéficiaire avant son décès.

Ainsi, en cas de décès du bénéficiaire avant le déblocage final, les capitaux doivent être versés à ses héritiers. 

Au regard des primes manifestement exagérées, rien n’empêche le juge, afin d’appréciation la situation globale du souscripteur de prendre en considération qu’il partage ses charges courantes avec une tierce personne.Cass. civ. 1, 6 nov. 2019, n°18-16153

2. Conséquences pratiques – Avis Fidroit

Des problématiques peuvent survenir lorsque le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie décde peu de temps après le souscripteur/assuré.

L’arrêt du 6 novembre rendu par la Cour de Cassation précise que dans telle circonstance le bénéficiaire peut avoir accepté tacitement le contrat et que les capitaux non versés reviennent aux héritiers du bénéficiaires.

Toutefois, l’acceptation tacite doit révéler une volonté non équivoque de percevoir les capitaux. Cette volonté peut se traduire par différents actes émanant par le bénéficiaire :

  • enregistrement des contrats d’assurance-vie au sein de la déclaration de succession par le bénéficiaire auprès des services fiscaux;
  • mise en relation avec la banque/compagnie d’assurance afin de lui remettre la déclaration de succession;
  • communication avec la banque/compagnie d’assurance pour se renseigner sur la perception des capitaux;
  • signature des formulaires de déblocage des fonds;
  • demande de versement auprès du notaire chargé de la succession.

Ces éléments peuvent permettre de prouver l’acceptation tacite du contrat par le bénéficiaire. Ainsi, dans le cas de l’espèce, puisque le contrat avait été accepté tacitement par le bénéficiaire avant son décès les capitaux ont été versés à ses héritiers.

A contrario, l’absence d’actes positifs de la part du bénéficiaire traduit une renonciation au bénéfice du contrat.
Cass. civ. 1, 9 juin 1998, n° 96-10794
Cass. civ. 1, 15 déc. 1998, n° 96-20246

Notez cependant que l’acceptation tacite ou non du contrat résulte de l’appréciation souveraine du juge.

Avis Fidroit :

L’acceptation tacite peut se traduire dans certains cas par la simple action d’un bénéficiaire de se renseigner auprès de la compagnie. A défaut d’une telle volonté par un bénéficiaire potentiel, il conviendra d’informer la compagnie de manière explicite sur l’acceptation ou non du contrat.

Pour les héritiers du souscripteur, à défaut de démontrer que les primes versées présentent un caractère manifestement exagéré, les capitaux sont transmis aux héritiers du bénéficiaire.

Cette notion est appréciée par les juges selon un faisceau d’indices, d’après des éléments de fait et est souvent rare d’application.

Les critères retenus peuvent être variables, mais deux éléments principaux ont été dégagés par la jurisprudence :

  • un critère quantitatif : l’importance des primes versées par rapport au patrimoine du souscripteur au jour du versement,
  • et un critère qualitatif : l’utilité du versement pour le souscripteur.

En ce qui concerne le critère quantitatif, pour apprécier le caractère non exagéré des primes, rien n’interdit au juge de prendre en considération pour l’appréciation globale des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, le partage par le souscripteur des charges de la vie courante avec une autre personne.

Il convient également d’analyser l’utilité du contrat : la possibilité d’effectuer des rachats partiels par le souscripteur 

L’atteinte à la réserve est un motif inopérant pour qualifier les primes de manifestement exagérées.
 Cass. civ.1, 6 juill. 2016, n° 15-21.643
Cass. civ. 2, 19 mai 2016, n°15-19458
 

3. Pour aller plus loin

3.1. Contexte

L’acceptation en matière d’assurance-vie concerne deux cas de figure, le premier ; l’acceptation du bénéficiaire du vivant du souscripteur, et le second ; l’acceptation du bénéficiaire au décès du souscripteur.

Acceptation du bénéficiaire du vivant

Du vivant du souscripteur, il est possible que le bénéficiaire du contrat accepte irrévocablement le bénéfice du contrat.

Dans ce cas bien particulier l’acceptation par le bénéficiaire ne peut être qu’express et doit donc faire l’objet d’un écrit :

  • Soit par avenant au contrat conclu entre le bénéficiaire, l’assureur et le souscripteur;
  • Soit par acte authentique ou sous seing privé conclu entre le bénéficiaire et le souscripteur.

L’acceptation ne peut donc être tacite du vivant.

Attention :

Que l’acceptation soit réalisée par avenant au contrat ou par acte authentique ou sous seing privé, lorsque la désignation du bénéficiaire est faite à titre gratuit, l’acceptation ne peut intervenir que 30 jours après que le souscripteur a été informé de la conclusion du contrat d’assurance.
C. ass. art. L. 132-9 II, al. 2
Ce délai correspond au délai ouvert pour que le souscripteur puisse exercer sa faculté de renonciation. Le bénéficiaire ne peut donc logiquement pas accepter la stipulation durant ce délai.

​Acceptation du bénéficiaire au dénouement du contrat d’assurance-vie

Au dénouement du contrat, pour que les capitaux soient versés au(x) bénéficiaire(s) désigné(s), il est nécessaire d’accepter le bénéfice du contrat en question.

Contrairement à l’acceptation du vivant, ici l’acceptation par le bénéficiaire est libre et peut être effectuée de manière expresse ou tacite.
Des problématiques se posent lorsque le bénéficiaire du contrat accepte tacitement ou de manière ambiguë le contrat d’assurance-vie. Est-il acceptant ou est-il renonçant ? 

3.2. Faits et procédure

Monsieur X, décédé, père de 4 enfants (les consorts O) issus de son précédent mariage avec Madame O, avait souscrit plusieurs contrats d’assurance-vie, pour lesquels il avait désigné sa partenaire de pacs bénéficiaire de premier rang, Madame D.

Peu de temps après le décès de Monsieur X, Madame D décède, laissant pour lui succéder ses 4 enfants (les consorts D),

Les consorts O assignent les consorts D afin d’ordonner le rapport à la succession de Monsieur X des sommes versées sur ces contrats d’assurance-vie.
Ils soutiennent que le bénéfice du contrat n’avait pas été accepté par Madame D et arguent que les primes versées sur ces différents contrats présentent un caractère manifestement exagéré.

Madame D étant décédée sans avoir perçu le capital, et Monsieur X et Madame D n’ayant pas de descendance commune, ce dernier donc transmis à ses héritiers, les consorts D.

Les demandes des consorts O sont rejetées, ils se pourvoient en cassation.

3.3. Décision

En ce qui concerne l’acceptation du contrat d’assurance-vie, la Cour de Cassation retient que Madame D : « a effectué diverses démarches révélatrices de sa volonté non équivoque d’accepter le bénéfice des trois contrats d’assurance sur la vie souscrits à son profit par Monsieur X., tel que cela ressort clairement d’une déclaration partielle de succession qu’elle a établie le 12 mai 2010 auprès des services fiscaux, ayant donné lieu à la délivrance d’un certificat d’enregistrement desdits contrats, et des diligences qu’elle a accomplies auprès de la Caisse d’épargne pour lui transmettre la déclaration de succession et signer les formulaires de déblocage des fonds au titre des contrats en cause, diligences dont la réalité est confirmée par une attestation du 24 juin 2013, et qui ont conduit la Caisse d’épargne à verser les fonds au notaire en charge de sa succession ».

Source Fidroit

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