ASSURANCE-VIE – Peut-on utiliser un contrat d’assurance-vie pour garantir un emprunt ?

Dernière mise à jour le 18 mai 2020

1. Question

Quelles techniques peut-on envisager pour garantir un emprunt en utilisant un contrat d’assurance-vie ?

2. Réponse

Plusieurs techniques de garantie sont envisageables.

2.1. Désignation du prêteur comme bénéficiaire à titre onéreux

Cette technique permet de substituer à une assurance décès emprunteur souscrite au profit d’une banque, la simple désignation de cette dernière bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. C’est parfois utile, lorsque l’emprunteur est difficilement assurable en décès en raison de son état de santé par exemple. 

Le souscripteur-assuré peut alors désigner le prêteur bénéficiaire à titre onéreux d’un contrat d’assurance-vie en vue de régler le prêt en cas de décès. Ainsi, à la réalisation de l’évènement assuré, le capital sera versé au prêteur et servira à éteindre sa dette. 

Lorsque le bénéficiaire est désigné à titre onéreux, aucune taxation n’est due, puisqu’il ne s’enrichit pas. Le bénéficiaire ne fait que recouvrer sa créance.

L’éventuel surplus constaté sera versé à des bénéficiaires à titre gratuit et taxé selon les règles fiscales applicables.

La désignation du prêteur comme bénéficiaire à titre onéreux présente une bonne sécurité au regard du droit des procédures collectives. En effet, un droit personnel et direct est reconnu au bénéficiaire vis-à-vis de l’assureur. 

Cependant, l’attribution du bénéfice même de l’assurance au créancier présente plusieurs inconvénients : 

  • pour le souscripteur : en cas d’acceptation par le bénéficiaire, il ne peut plus, sans son accord :
    • ​​réaliser un rachat ;
    • demander une avance ; 
  • pour le créancier : 
    • l’attribution du bénéfice du contrat ne permet pas l’exercice du droit de rachat ; 
    • pour le garantir véritablement contre la défaillance de l’emprunteur, il faut recourir au nantissement ou à la délégation de créance.

2.2. Nantissement du contrat d’assurance-vie

Le contrat d’assurance-vie peut être donné en nantissement sous deux formes : 

  • par avenant ; 
  • par acte soumis aux formalités des articles 2355 à 2366 du code civil (droit commun).

Il convient également de tenir compte des droits conférés au bénéficiaire. Lorsque l’acceptation du bénéficiaire est antérieure au nantissement, le nantissement est subordonné à l’accord du bénéficiaire. Lorsqu’elle est postérieure au nantissement, son acceptation est sans effet à l’égard des droits du créancier.
C. assur. art. L. 132-10

Par ailleurs, si l’assuré n’est pas le souscripteur, son consentement devra être recueilli.
C. assur. art. L. 132-2 Le créancier peut exercer le rachat du contrat d’assurance-vie. Sauf clause contraire, il peut provoquer ce rachat malgré l’acceptation du bénéficiaire.

Remarque :

Il peut être opportun de définir dans l’acte de nantissement la fiscalité applicable en cas de rachat. En effet, le créancier peut actionner sa garantie sans prévenir ou informer le débiteur des modalités fiscales du rachat.

Or, si rien n’a été défini à l’avance, il aura souvent intérêt à réaliser un rachat brut, qui lui attribue une somme supérieure à un rachat net. La fiscalité applicable n’est alors pas souvent favorable au débiteur assuré.
CA Paris, 11 mai 2018, n° 16/10767

Le rachat forcé par le créancier nanti entraîne la même fiscalité que celle applicable en cas de rachat du souscripteur. L’option pour le PFL, pour les primes versées avant le 27 septembre 2017, doit obligatoirement être exercée au plus tard lors de l’encaissement des revenus ; il est donc opportun de prévoir une option pour le PFL, à défaut les intérêts seront taxés au barème progressif chez le souscripteur qui n’aura de fait rien perçu. Le nantissement du contrat d’assurance-vie présente une bonne sécurité au regard du droit des procédures collectives, car le droit de rachat et du capital assuré est insaisissable si un tiers est bénéficiaire acceptant.

2.3. Délégation de créance

La délégation est une opération juridique à trois personnes, par laquelle une personne (le délégué, ici l’assureur) accepte, à la demande d’une autre (le délégant, ici le souscripteur), de s’engager envers une troisième (le délégataire, ici le prêteur). Par l’effet de la délégation, l’assureur devient le débiteur direct du prêteur. 
C. civ. art. 1336

A la différence du nantissement, aucun formalisme n’est prévu. Le créancier peut exercer directement le rachat du contrat d’assurance-vie. 

Remarque :

Comme pour le nantissement de créance, il peut être opportun de définir dans la délégation de créance la fiscalité applicable en cas de rachat. 
CA Paris, 11 mai 2018, n° 16/10767

L’acte de délégation limite généralement le droit au rachat du créancier au montant de sa créance, augmenté de frais annexes. En théorie, le souscripteur conserve la faculté de racheter les sommes qui excèdent ce montant. Mais en pratique, l’exercice du droit au rachat est subordonné à l’accord du créancier également désigné bénéficiaire acceptant du contrat. 

Le prêteur délégataire n’encourt pas le risque d’être primé par les créanciers privilégiés en cas d’ouverture d’une procédure collective parce que :

  • la créance du délégant sur le délégué est indisponible dans le patrimoine du souscripteur-emprunteur, sauf pour le délégataire ;
  • le droit de rachat et du capital assuré est insaisissable quand un tiers est bénéficiaire.
  • en cas de décès du souscripteur assuré, il est bénéficiaire à titre onéreux des capitaux dus par l’assureur, à défaut d’assurance emprunteur souscrite par ailleurs.

3. Textes de référence

C. civ. art. 2355 à 2366
C. assur. art. L. 132-2 ;  . L. 132-10
C. civ. art. 1336
CA Paris, 11 mai 2018, n° 16/10767

Source : Fidroit

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